m à j : août 2024

Discerner sans dénigrer

Une éducation qui enseigne des « bons modes de vie », qualifie implicitement les autres modes de « moins bons ».
Lorsque l’on se laisse obséder par des concepts de bons et de mauvais modèles de vie, on fait un pas vers la pente glissante de la violence contre autrui (discriminations, harcèlement, interpellations abusives…), ou de la violence retournée contre soi (« je ne vaux rien, je suis nul.le…).

Prenons un exemple en lien avec la matrice hétérosexiste (présentée au chapitre des rôles).
Ce n’est pas préjudiciable, pour un.e adolescent.e, de se dire qu’il est un homme masculin ou qu’elle est une femme féminine, si ça lui plaît de se définir ainsi, si cette identification à une figure archétypale peut l’amener à prendre soin de son corps, et l’aide à s’intégrer dans certains groupes.
Mais c’est préjudiciable si ça l’amène à être violent.e, agressif.ve, homophobe, sexiste, et en premier lieu si ça l’amène à haïr en iel-même tout ce qui n’est pas conforme au modèle (fille poilue, garçon qui n’aime pas la musculation, tout trait de personnalité ou un physique hors normes).

  • Savons-nous apprécier des personnes, ou des styles de vie, sans dénigrer les autres, et tout en suivant notre propre boussole intérieure ?

Renier notre propre sensibilité, notre force, ou toute part de notre existence, est un chemin vers la frustration.

En manque d’amour et de tendresse pour nous-mêmes, nous risquons notamment un sentiment de dépendance affective (l’autre nous apparaissant comme notre source d’amour).
manque d’amour pour le vrai soi > frustration > amour-dépendance > fragilisation du vrai soi > rupture du couple vécue comme un tsunami.

Les frustrations, les souvenirs pesants, et trop d’anxiété à propos de notre futur, peuvent créer une pression psychique en nous.
La pression est une force motrice lorsqu’elle est canalisée, mais un risque explosif lorsqu’elle s’évacue brutalement (après avoir été trop contenue).

A l’échelle d’un pays, une pression peut s’évacuer en guerre civile.
A l’échelle internationale, en guerre ou en attentats.
A l’échelle d’une personne, en problèmes de santé (dont le burn‑out, l’apathie, des maladies diverses…), en violence (contre autrui, ou retournée contre soi).

Les pulsions (créatives, sexuelles…), les motivations, ne peuvent probablement pas être réprimées indéfiniment.

La violence (et la colère) étant elles aussi prohibées par certaines morales, une personne qui à la fois s’interdirait d’être librement créative, et d’exprimer la colère générée par la frustration conséquente à cet interdit, serait dans un carcan moral à fort risque explosif.

Les carcans (de fausse paix) sont comme un élastique tendu −qui peut lâcher.

La guerre exutoire

En temps prétendument de paix (en temps de paix apparente mais sans conscience profondément fraternelle), il demeure des compétitions, une guerre économique et divers conflits larvés.

Dans ce contexte devenu banal, certaines personnes (notamment celles qui ne se sont ps encombré d’un fardeau moral austère) semblent jouir davantage. Cela peut susciter une forme de jalousie de leur apparente liberté.

Même si consciemment quelqu’un s’inflige volontairement une morale qui le frustre, iel peut inconsciemment souhaiter la fin de cette morale afin de jouir à nouveau de la vie.

Je fais l’hypothèse que la frustration peut amener des gens à souhaiter, inconsciemment,
qu’une guerre advienne.
Cela, car la guerre constitue un espace‑temps immoral qui affecte tout le monde, y compris les gens affublés d’une morale :
tout le monde se retrouve à la même enseigne, aux prises avec la vie, avec des choix apparemment sur le court terme, avec un prétexte (la survie) pour ignorer la morale routinière et pesante.

En outre, lors des guerres, m’a‑t‑on relaté, l’absence d’autogestion mature (ou d’autorité saine) facilite l’acte de tuer, piller, abuser, ou torturer par pulsion.
Dans le « terrain de jeu » terrible qu’est la guerre, les plaisirs interdits sont plus facilement réalisables.
Le besoin de contact humain jadis dénigré (ou refoulé) revient sous une forme brutale.

Plus généralement, les émotions que l’on s’interdit d’éprouver se transforment souvent en quelque chose de plus violent.

Par exemple, en empêchant un humain de pleurer et d’exprimer sa tristesse, on lui facilite la transmutation de la tristesse en rage. Ou bien, dans une cour de récréation, à force de traiter de PD tout garçon non conforme à un stéréotype de virilité, on dissuade les garçons d’exprimer leur tendresse spontanée, souvent au point que certains n’osent se toucher qu’en se bagarrant.

  • Les divertissements violents, en temps de fausse paix et de vrai consumérisme, permettent aussi une sorte de défoulement ; mais libèrent-ils ou entretiennent-ils les pulsions agressives ?

L’addiction consumériste

Les personnages sociétaux, dont nous jouons les rôles, croient souvent qu’il faut consommer pour exister. Ils sont aidés en cela par la publicité qui sait proposer des produits ciblés :
des appareils ménagers pour le rôle de larbin domotique d’une vie coupée de la nature,
des voitures puissantes pour le rôle de prédateur kilométrique ayant renoncé à sa capacité d’embellir ses relations de voisinage,
des vêtements de star pour le rôle d’ado branché ayant envie et peur de se fondre dans le moule conformiste…

La satisfaction des envies de nos personnages ne nous procure qu’un plaisir superficiel ; elle ne rend pas nécessairement les gens empathiques, cocréateurs d’une société fraternelle et soutenable.
Bon nombre de consommateurs comblés (ayant logement, travail, épargne, loisir, sport, affection, sexe, ami.e.s, distractions, moyens de transport, jardin…) surconsomment égoïstement et en veulent « toujours plus » !

Si l’on est frustré par un mode de vie rigide rempli d’interdits, ou si l’on est frustré par une vie superficielle remplie d’autorisations de consommer des produits fondamentalement à côté de la plaque, on tourne en rond dans un schéma qui ne satisfait pas notre nature.

Si l’on se sépare de notre nature au profit du rêve d’une apparente réussite consumériste, dévote, professionnelle, séductrice…, on se sépare du discernement (de « l’ancrage ») qui nous permettrait de considérer le monde marchand, le monde des rôles sociétaux, pour ce qu’ils sont :
des #systèmes qui préservent leur existence propre avant de préserver la notre.

Le théâtre sociétal s’auto-alimente en proposant quelque chose de suffisamment attractif pour être désiré, mais de suffisamment inadéquat pour laisser persister la croyance qu’un nouveau service, ou qu’un nouveau produit, nous procureraient le bonheur, la santé, … donc nous incite à ne rien changer.

La part jouissive de nos produits artificiels permet de supporter la frustration existentielle, mais pas de la transcender (pas de s’en émanciper).

Le consumérisme matérialiste grossit grâce aux frustrations que nous ne gérons pas : celles pour lesquelles nous sollicitons un service miracle à acquérir.

La notion de « toujours plus » a des conséquences directes : pollution massive, risques industriels, promiscuité urbaine, étalement pavillonnaire*, déforestation, disparition d’espèces, guerres, impact climatique, capitalisme…

* L’étalement pavillonnaire, avec le niveau de conscience environnementale actuel, a un impact négatif : recul des zones sauvages, routes et surfaces bétonnées, herbe tondue mécaniquement, biodiversité faible, absence d’outils partagés tels que piscine, four, machine à laver, outils…
La concentration urbaine apparaît alors comme une solution préférable à cet étalement, mais elle n’est pas idéale : l’humain a besoin d’être relié à la nature −pas de la dominer, mais d’être en synergie avec.

Le plaisir inadéquat ne solutionne rien : manger, avoir une relation sexuelle, acheter… peuvent répondre à un besoin et apporter une satisfaction,
mais peuvent aussi être réitérés juste pour masquer une frustration, et remettre à plus tard d’embrasser nos ombres.

Pour désirer sortir du système économique et politique actuel, basé sur l’accaparement (le détroussement de la nature et de la majorité des habitant.e.s),
comprenons qu’une telle organisation ne répond pas à notre besoin essentiel de réalisation (de soi).

Le matérialisme est basé sur une quête de remplissage (avoir, plutôt qu’être démuni), mais il est spirituellement inconsistant, au contraire du « vide » qui nous régénère, lors de ballades dans des forêts et clairières et dans divers espaces naturels harmonieux.


Les lois et les morales frustrantes sont-elles bénéfiques ?

L’austérité

Une politique d’ #austérité économique consiste en une réduction des budgets sur les postes fondamentaux non directement productifs : qualité de l’éducation, de la santé, de la démocratie, de la culture…

Elle ne s’attaque pas aux privilèges, ni à l’ignorance, ni ne propose de sortir de l’accaparement outrancier par certains :
elle ne résout aucun problème de fond ;
elle prive les moins riches ;
elle est maintient les jeux de domination (d’une caste dominante envers le reste du peuple, ou de n’importe quel individu envers un autre).








L’auto‑discipline (voire l’ascétisme) est un moyen de parvenir à un but (spirituel, sportif, ou autre). Elle est parfois vécue avec satisfaction, pour cheminer vers le but désiré

Une politique d’austérité est différente : elle est une privation, imposée au plus grand nombre, sous menace d’un châtiment ou d’une pénurie, augmentant la violence de la société, et concentrant du pouvoir dans les mains de quelques contremaîtres chargés de réprimer les plus pauvres et les plus rebelles.

  • Avant de nous priver, ou de nous gaver, demandons-nous et prenons le temps de ressentir profondément :
  • est‑ce par amour ou désamour de nous-mêmes (ou de la vie) ?
    De quoi avons-nous réellement besoin maintenant ?

Le marketing politique

#sauveur

Bien des morales prétendent nous sauver des #dérives du monde moderne, en proposant un soit-disant retour aux sources, sans consumérisme, sans plaisir sexuel, sans autre but que servir le dogme.
Outre que le passé est présenté de manière très romancée −donc il n’y a pas vérité−,
quand bien même un vrai retour à d’authentiques morales d’autrefois serait proposé, il reste deux problèmes :
1. si les morales de jadis ont périclité, c’est qu’elles n’ont pas su satisfaire (puisqu’on les a délaissées) ;
2. si elles ont précédé un monde prétendu fou, elles en sont possiblement l’une des racines.

Des siècles de brimades (notamment psychiques) pourraient-ils expliquer en partie le succès du dogme matérialiste / scientiste actuel (lequel recherche une émancipation du passé) ?

Les morales frustrantes, parce qu’elles interdisent nos mœurs naturels (aimer qui on veut, par exemple) sont l’opposé du naturel (contrairement à ce qu’elles prétendent lorsqu’elle jugent contre-nature ce qui s’oppose à elles).

En outre, les morales qui tendent à priver du sentiment d’être naturellement (heureux), et qui incitent à acquérir une attitude (prétendument) salvatrice, font place au concept d’acquisition (de la bonne attitude).
Le désir d’acquérir est précisément l’un des leviers de la marchandisation du monde.

Ce n’est pas du passé, ni de bourreaux dont nous avons besoin, mais probablement de notre vérité.

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