L’équilibre des droits et des responsabilités
(page pilier de ce site)
Un groupe fonctionne si chacun.e donne et reçoit équitablement.
Des personnes conscientes du besoin d’équilibre entre les droits et les responsabilités vont plus vraisemblablement créer une organisation sensée.
Le but est que chaque personne s’intègre, fournisse librement une quantité de travail adaptée à ses capacités du moment, et soit source de proposition et participe aux décisions.
Il est communément admis : « une personne = une voix ».
C’est une formule qui semble fonctionner pour les collectifs résidentiels : j’habite / je suis ici, donc ma décision vaut autant que celle d’un autre.
Concernant les projets actifs : je réalise une action avec d’autres : d’autres formes de pondération de voix existent et en théorie devraient fonctionnent mieux. Mais je ne peux pas donner un exemple réussi que je connaisse.
A l’inverse je connais des dizaines d’exemples dysfonctionnels :
> des groupes « une personne = une voix » dans lesquels des personnes qui n’ont rien fait viennent juger et malmener le travail effectué par autrui, lors d’un CA ou d’une AG.
> Lors d’une AG (un cotisant = 1 voix), des membres qui élisent quelqu’un juste parce qu’iel a bien parlé, ou a de beaux yeux… Voix donnée sans la moindre information vérifiée quant à la capacité de cette personne à co-diriger l’association avec intégrité, disponibilité, et compétence, ou a minima avec l’intention réelle d’apprendre à devenir compétente et de se rendre disponible.
> des groupes ayant réalisé des pondérations votatives en vue d’équilibrer des rapports de force.
Par exemple : collège des bénévoles 1/3 des voix,
collège des prestataires de services 1/3,
collège des apporteurs de capitaux 1/3.
Mais ces groupes ne jouissaient pas d’une ambiance apaisée. La règle était supposée maitriser leurs ambitions divergentes.
Je ne conçois pas qu’une règle crée la paix et l’harmonie : si on n’a pas les mêmes intentions, pourquoi faire projet commun (hormis au vaste niveau territorial, où on ne nous a pas vraiment demandé notre opinion avant de nous en imposer ses règles) ?
C’est pourquoi, je n’ai pas de modèle universel à plaquer sur toute association.
Quant au modèle standard de statuts associatifs (AG de ceux qui cotisent = 1 voix par personne + CA décisionnaire + bureau mi exécutif mi décisionnaire) : il me semble adapté à reproduire, en miniature, les dysfonctionnements républicains (et à tenter de les légitimer).
Mais j’ai vécu une expérience associative réussie (développement des activités, climat serein, embauche de salariés…) dans un groupe humain dans lequel nous étions tous d’accord sur l’idée de l’équilibre des droits et des devoirs.
Il n’y avait pas de règle établie pour départager les rapports de force, puisqu’il n’y avait pas de rapport de force. Il y avait un accord de base tant sur l’action à mener que sur le respect du travail accompli par chacun.e, et cela rendait possible des décisions par consensus.
(Exit le recours à un conseil d’administration, lieu de prédilection des adeptes du « je ne fais rien mais je décide ») ou plus exactement, nous avons recouru à un Conseil d’administration composé de membres n’exerçant pas réellement leur pouvoir, car pour travailler avec certaines institutions régaliennes, il faut afficher une hiérarchie visible.
Nous étions d’accord sur l’idée, lors des réunions, de laisser environ d’autant plus de place à chacun.e, selon combien chacun.e s’était investi.e dans l’action.
Et en cas de désaccord initial sur une stratégie à mettre en œuvre, nous veillions ensuite à privilégier la faisabilité en fonction des volontaires à la réalisation.
NB. Tout cela sans pour autant édicter une règle formelle, donc en restant dans des accords uniquement tacites, fondés sur la bienveillance, et l’observation (ayant conduit à une confiance éclairée).
Penchons-nous au préalable sur la notion de déchet (de la civilisation industrielle), avant de revenir au concept de paiement, et de l’illusion d’équilibre des droits et des devoirs qui en découle.
La notion de déchets : dans la nature, il n’y a pas vraiment de déchets : les feuilles mortes, les cadavres ou les excréments, sont une nourriture pour d’autres êtres vivants.
Les déchets apparaissent avec la création de produits manufacturés ou industriels. Par exemple, le recouvrement du sol par du bitume, transforme en déchet des feuilles (pourtant biodégradables dans la terre).
A partir du moment où des déchets existent, il est logique de songer à les recycler. Mais il serait encore plus intelligent de ne plus en produire.
Par exemple, on entend dire que le verre se recycle à l’infini ; oui mais avec quel apport en énergie (pour le refondre) ? Il serait plus écologique de réutiliser certains emballages, en les protégeant de la casse, que de les recycler.
Le paiement d’un produit au prix convenu, et des taxes environnementales, constituent, en apparence seulement, un équilibre des droits (le produit acheté) et des devoirs (le paiement).
Mais vis‑à‑vis de la planète Terre qui nous accueille, un paiement entre humains, n’équilibre pas notre rapport à l’environnement naturel.
Par exemple : les automobilistes paient leur voiture, son entretien, le combustible, les péages, et les taxes inhérentes à tous ces produits et services.
Cela leur donne un sentiment d’avoir pleinement payé leur contribution, donc d’avoir la légitimité de rouler comme bon leur semble.
Ce n’est qu’une vue de l’esprit (bien qu’elle soit répandue), car la pollution n’est pas effacée par le paiement de ces nombreuses charges.
NB. La voiture n’est pas le seul bien contemporain polluant (et dont le paiement donne l’illusion de nous être bien comporté). Il en va de même avec quasiment tous les produits couramment à disposition, emballés, transportés, ou acheminés par réseaux).
Un autre exemple : le fait d’avoir inventé les toilettes à eau, et de payer la facture d’assainissement, n’est pas un équilibre des droits et des devoirs au regard des cycles naturels, car les toilettes à eau sont problématiques :
*privation de matière fertilisante des sols et conduction de micro organismes terrestres en milieu aquatique dans le cas de retraitement ;
*traitement inutiles de potabilisation de l’eau de la chasse, sauf quand la chasse n’utilise que de l’eau de récupération.
Si, de surcroît, le combustible ou la voiture, ou l’objet électronique, ou le vêtement… est produit dans un pays quasi esclavagiste, le paiement (aux maîtres) n’est en rien juste envers les « travailleurs » exploités.
L’illusion de justice, dans le sentiment associé au paiement, est l’une des causes du déni de nos pollutions et de nos maltraitances.
Vouloir chiffrer ce qui nous arrange (la production), et nier la valeur du reste (l’environnement), est un concept bancal : on n’a ainsi compté que ce qu’il nous arrangeait de prendre en compte pour le business.
Mais vouloir tout chiffrer n’est pas davantage réjouissant : c’est une vue de l’orgueil, se croyant capable d’asservir la vie à un système comptable.
Lorsque les acteurs économiques attribuent une valeur à une vie humaine, ou à l’environnement, iels se sentent légitimes à détruire à la hauteur de ce qu’ils peuvent payer en réparations.
Mais un transfert d’argent, ou une amende, ne répare pas la planète, ni ne ressuscite quiconque.
Inconvénient supplémentaire : on reste empêtrés dans des logiques de comptabilisation permanente.
- Inconsciemment, serions-nous fâchés d’être mortels, parfois avec le sentiment de morts prématurées (à cause de maladies ou d’accidents) ?
Peut‑être y a‑t-il une idéologie collective inconsciente visant à détruire la nature, en tant que mère des micro‑organismes pathogènes, en tant que mère de notre corps mortel ?
Est-ce là la réalité du monde vivant, ou celle que l’on a apprise ?
- Avons-nous besoin d’abandonner un désir inconscient de vengeance par rapport à la Terre ?
Nous acceptons parfois de croire que pour obtenir l’amour des parents, il nous faut manger notre soupe ;
ou que pour aller au paradis, il faut nous agenouiller tant d’heures par mois ;
ou que pour vivre décemment demain, il nous faut apprendre par cœur ce que dit chaque enseignant aujourd’hui ;
ou que pour pouvoir être aimé, il faut une situation économique dominante…
Mais je préfère considérer que l’amour est partout (on sait le ressentir ou pas). Il n’est pas détenu par les personnes qui s’en prétendent être l’indispensable relais.
Le concept de droit et de responsabilités est à la fois une posture idéologique aidante, et à la fois un concept à délimiter, pour profiter de la liberté, de la spontanéité, et de l’innocence de l’amour.
Laisser un commentaire