L’enjeu sanitaire, économique, philosophique de la médicalisation des corps. Les détransitions.

D’un côté c’est merveilleux que la médecine ait fait suffisamment de progrès pour que les opérations de remodelage de sexe soient mieux réussies,
d’un autre côté, ce succès aider à dénier une grande partie de la réflexion philosophique dont nous aurions besoin : réfléchir aux concepts qui amènent à malmener nos propres corps en vue de rétablir quelque chose de l’ordre de la psyché, et fortement influencé par la culturelle genrée omniprésente.

Ne pas juger les choix d’autrui ne nous dispense pas de soupeser les bénéfices-risques des pratiques médicales.

Le discours en faveur d’une médicalisation a tendance à minimiser les risques. Je souhaite aborder ces derniers :

° Problèmes de santé liés à une fragilisation des corps.

° Des témoins d’opérations chirurgicales ayant donné lieu à des résultats décevants (perte de jouissance sexuelle totale ou partielle), voire catastrophiques (graves complications de l’état de santé : infections, saignements incessants, problèmes osseux…).

Ces éléments devraient inciter à ne pas se précipiter et à ne pas envisager une transition médicale comme une simple option allant de soi.

Problèmes économiques)

Effectuer une transition médicale, c’est devenir client pour très longtemps (via « la sécu » ou via son propre porte monnaie).

  • En cas de pénuries d’hormones à l’avenir, que se passera-t-il ?
  • Ou en cas de déremboursement et de flambée des prix : seuls les riches personnes trans bénéficieront d’une continuité ?
Problèmes philosophico-politiques
  • Croire aux réponses scientistes apportées par une société qui adore se couper de la nature ?

La médecine offre des prestations remarquables dans certaines circonstances, mais nous restons les mêmes êtres assujettis aux défis existentiels intemporels :

* qui sommes-nous vraiment ? (Nous ne sommes pas pas l’image publique et la conscience superficielle de nous-mêmes, ni que notre corps, mais « qui sommes-nous ? », invitent à se questionner de nombreuses traditions).

* Comment vivre en harmonie avec la nature, au lieu de la saccager dans une civilisation -qui crée le problème pour ensuite vendre des lots de consolation :
cette civilisation détruit l’air, l’eau, les sols…, et ce ne sont pas des hôpitaux high tech pour nous recoudre, qui nous sauveront de ce suicide collectif.

  • Veut-on une société qui détruit, avec des hôpitaux pour nous rabibocher tant bien que mal,
    ou veut-on cesser de détruire la nature, et cesser d’attaquer l’estime de soi des personnes hors normes ?

Mais attention à ne stigmatiser personne. Ce que j’évoque ici est une réflexion contemporaine non ciblée : la société a perdu le sens de l’être au profit de l’avoir, mais ça ne concerne pas les personnes trans spécifiquement.
En termes clairs :
Un.e jeune personne trans qui se définit par rapport à son corps, et se sent mal au point de vouloir un remodelage de son corps : c’est tout à fait logique dans une société du paraitre (et ça concerne les personnes cisgenre tout autant).

Si on veut vraiment retrouver le sens de l’être, et lâcher prise d’avec le paraître, c’est à commencer avec soi-même (au lieu de juger les choix d’autrui en la matière), et c’est sans distinction cis- ou trans- -genre :
° se définit-on à partir de la taille de nos muscles, de notre pénis, de nos seins… ? Comment accueille-ton la singularité de chaque être à ce sujet ?

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L’autodétermination des personnes transgenres quant à leur parcours est au cœur des revendications LGBT.
Cela va de soi, du moment que l’information mise à disposition est complète (incluant les controverses).

Mais quid de l’autodétermination à se faire vacciner, à choisir les matières que l’on veut suivre au lycée, etc. ? Pourquoi ne pas étendre la revendication à un niveau universel : le droit pour tous à disposer de soi ?
(NB en théorie c’est un droit acquis, en pratique ça ne l’est pas, cf. la vaccination forcée, l’air pollué qu’on respire tous, etc.)

Le PACS, le mariage pour tous, sont des lois universelles qui s’appliquent à tous. En ce sens elles sont rassembleuses et pacifistes.

Une politique réussie part de l’envie de faire société en n’oubliant personne.

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  • Est-ce qu’on a renoncé à l’espoir que chaque être humain puisse être admis quelle que soit son expression de genre ?
    ou est-on fier de proposer aux personnes qui ne se reconnaissant pas dans un rôle social assigné au sexe biologique, de n’avoir que la médicalisation de leur corps à proposer ?
Problèmes de construction identitaire (psychologie – sociologie)
  • l’épreuve psychologique d’acceptation de soi est-elle ignorée par cette société au point de ne pas savoir accompagner des questionnements identitaires autrement qu’en proposant la chimie et le scalpel comme seule réponse initiatique au passage à l’âge adulte (pour les personnes ne se reconnaissant pas dans le moule cis-normatif) ?

* Comment nous accepter tel.le que nous sommes, avec justesse ?
Dans le cas de la transidentité : savoir ne pas se ruer sur une hormone et un scalpel s’il existe d’autres moyens d’accepter notre existence. (Ni de s’interdire d’y recourir, dans certains cas ?)

NB. Il ne s’agit en aucun cas de minimiser la souffrance ressentie par certaines personnes en découverte de l’inadéquation de leur ressenti intime et de leur corps. Bien au contraire : on pourrait développer des recherches en psychologie à ce sujet : mieux connaître ce qui fait de nous qui nous sommes, et mieux le vivre.

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Si j’ai une vulve et des seins, et me sens homme, je devrais pouvoir être accueilli partout, afin de ne pas être poussé à changer mon corps pour me conformer à un stéréotype masculin.

Si j’ai un pénis et de la barbe, et me sens femme, je devrais pouvoir être accueillie partout, afin de ne pas être poussé à changer mon corps pour me conformer à un stéréotype masculin.

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Les regrets ?

La question « combien de personnes regrettent leur transition ? » est une question inappropriée pour évaluer le bien fondé d’une transition médicale :

Je commence par un exemple un peu décalé :
Si vous achetez un billet de cinéma et que le film est nul, vous allez regretter votre billet. Mais au fond, il n’y avait pas d’enjeu réel.
Au contraire, si vous réalisez vous-mêmes un film, ce qui vous amène à créer une aventure humaine avec l’équipe de tournage, à réaliser votre rêve d enfance d’être réalisateur… mais que votre film est jugé nul par la critique, allez vous regretter le temps investi dessus ? Probablement pas, car l’expérience vous aura appris des choses, forgé un caractère entreprenant.
Plus on s’investit à bras le corps dans nos vies, plus on développe une volonté, et moins on a de probabilité de regretter nos choix passés.

La question « regrettez-vous … (peu importe la suite : transition médicale, aventure intense, déconvenue qui nous a appris à nous surpasser…) ? » des lors que l’expérience a nécessité une forte implication, n’est pas l’outil adapté pour questionner l’expérience elle-même : elle questionne surtout la mentalité développée au cours de l’expérience vécue. La réponse « non je ne regrette pas » semble révélatrice soit d’une satisfaction de l’expérience, soit d’une satisfaction d’avoir surmonté une épreuve formatrice (d’avoir vécu pour de vrai, intensément -au contraire des années passées à regarder la vie des autres à la télé).

NB

Il n’y a de ma part aucun discours transphobe dans le fait d’être réticent à l’idée de se ruer sur l’option « remodeler un corps » :

Cela relève d’un principe de précaution global,
d’une philosophie de vie non spécifique à la transidentité,
d’un doute sur toutes les méthodes qui tentent de solutionner les problèmes intérieurs par l’extérieur,
d’un dégout d’une société qui parfois, soigne un individu bien qu’il soit sain (et seulement hors norme).

Et si le discours officiellement sensé aider les personnes transidentitaires était parsemé de tant de fausses évidences qu’il en devenait leur pire ennemi ?
Et si être un véritable soutien aux personnes trans consistait à œuvrer à l’acceptation de chaque individualité, plutôt que de proposer des conseils en santé communautaire qui banalisent la chirurgie ?

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  • Pourrait -on à la fois accepter inconditionnellement chacun, avec ses choix concernant sa santé, son genre,
  • et d’autre part mener une réflexion vis à vis de l’essor marketing des techniques médicales de transitions qui sont promues comme si elles étaient banales et nécessairement bonnes si désirées ?
Et les détransitions ?

Certaines personnes regrettent leur parcours médical et tentent une détransition : le retour au genre d’avant la transition transgenre, ou simplement un arrêt d’une transition médicale.

A en croire les blogs hostiles aux LGBT, énormément de personnes transgenres regretteraient leur parcours et voudraient détransitionner.
A en croire les blogs communautaristes LGBTQIA+, très peu seraient concernés.
La vérité est-elle entre les deux ?
Cf. la partie 5 : « la quête mystique ».

Probablement, il y a plus de cas de détransition lorsque la transition a été menée à la hâte, sans suivi psychologique adéquat (par exemple, en se procurant soi-même des traitements via Internet, sans bien se connaître soi-même, parce qu’on a été séduit par le témoignage d’un youtubeur pour qui ça a fonctionné…), ou dans des régions de certains pays où il y a un engouement pour les transitions.
En France, je ne remarque pas cette précipitation, mais plutôt des parcours généralement assez long (à cause, ou grâce (selon le point de vue) aux lenteurs de l’hôpital public).

Le problème du discours anti médical et anti LGBT+

La déification de la médecine high tech ne concerne pas que les personnes en transition médicale et en post transition.
La dépendance à des logiques économico-médicales est un thème qui concerne beaucoup de monde :

° les personnes qui préfèrent prendre des somnifères mais qui pourraient s’en passer en résolvant certains problèmes dans leur vie,

° les personnes qui préfèrent manger bon marché, se sur-exposer aux ondes, boire des bouteilles d’alcool chaque week-end, ne jamais poser de regard thérapeutique holistique sur elles-mêmes et ruer ensuite dans les bras de cancérologues et pathologues divers …

Autrement dit, la focalisation sur la thématique médicale seulement quand cela concerne les personnes LGBT, n’est pas une démarche intellectuelle équitable.

Lorsque des politiciens traditionnellement membres d’une droite réactionnaire, qui avait voté contre la dépénalisation de l’homosexualité, puis contre le PACS, puis contre le mariage pour tous, prétend protéger les trans en leur interdisant l’accès aux traitements, je me sens légitime à m’interroger s’ils ne sont pas seulement en train de continuer de nuire aux LGBT par tous les moyens imaginables.

Je souhaite amener les personnes concerner à découvrir d’autres horizons, et que la sagesse soit à l’ordre du jour, et je n’attends pas de la part de groupe aux idéologies hostiles de nous dicter des interdits.

Toutes les réserves que j’ai émises sur la transition médicale ne visent pas à la faire interdire mais seulement à cesser de la présenter comme une réponse banale à toute personne souffrant d’une difficulté à vivre dans cette société genrée binaire violente.

Banalisation de la PrEP
(cliquer pour + d info sur la PrEP)

c’est un traitement VIH pris avant d’aller baiser sans capote, pour éviter de contracter le VIH. D’un certain point de vue, c’est une aubaine qui permet de prévenir la maladie au lieu de l’attraper et ensuite devoir se soigner.
Cependant, c’est un traitement controversé :
° offert pour quelques occidentaux tandis que des malades du VIH ailleurs dans le monde n’ont pas tous accès au traitement
° ne prévient pas des autres IST
° aucune réflexion sur le mode de vie, sur ce qu est l’amour, mais recours à un procédé médical couteux et experimental : idéologie scientiste nihiliste
° logique financière suspecte. indépendance de l’État questionnée.