m à j. juin 2024

Nos vies enrôlées

Les membres d’une société agissent souvent conformément à un scénario tissé de convenances, que je nomme les rôles sociétaux :
Des ensemble de comportements, de règles explicites ou implicites, souvent préétablies collectivement (notamment les métiers), puis personnalisées par chacun (notamment l’état d’esprit qui préside à nos actes). Cf. la notion de persona en psychologie.

Comment pourrait-il en être autrement ? Nous verrons quelques approches de ce qui pourrait être sous les masques.

Un rôle est soit :
° conscient, officiel, à but clair : c’est un métier, ou une fonction sociale connue.
° conscient, implicite, à but partiellement clair.
C’est par exemple les attitudes que nous choisissons d’incarner, généralement de pair avec un métier.
Par exemple, l’attitude d’avoir l’air sévère (pour un professeur, un policier…), ou l’attitude d’avoir l’air ami et prévenant (pour un vendeur, un candidat électoral…)
C’est ce que je nomme un masque sociétal (un masque, ou un costume taillé pour jouer le rôle sociétal).
° préconscient : lorsque l’on ne sait même plus que l’on joue une succession de mimiques ou attitudes codifiées, répétitives, apprises, impersonnelles… cf. la partie sur l’aliénation, la confusion d’avec nos rôles.

Un rôle est un cas particulier de récit.

Derrière notre civilisation du paraitre se cache un désir de codification, un mythe de cohésion sociale par la superficialité, une complaisance dans le jeu de paraitre et rôles divers.

  • Comment amener une personne identifiée à son masque professionnel, à se reconvertir dans un emploi non polluant ; en créant un rôle de « bonne personne en transition écologique » ?

C’est ce que le marketing utilise pour vendre des produits et services (prétendument) éthiques.

Toute solution à base de faux semblants aura son lot de désillusions.
Toute marionnette risque de croiser un marionnettiste.
Mais c’est là peut‑être une étape provisoirement aidante.

Le monde se résume-t-il à sa forme ?

Les rôles s’inscrivent dans le catalogue des formes qui nous rassurent et régissent une partie de nos comportements.
Ce catalogue comprend tous les archétypes qui nous font penser à la continuité de notre existence, à un narratif stable à propos de nos vies.
Que ce soient les films, les enseignements familiaux, les pornos, le savoir prétendument universellement vrai officiel ou dissident, le mariage, les idées reçues à propos du mariage, des lois, des dirigeants, des métiers, de la mode vestimentaire (ou des codes vestimentaires de notre « tribu »)…
tout cela a en commun d’être une forme (par opposition à une vérité ultime). Cette forme, ou ces scenarii, nous offrent une carte mentale de la vie à laquelle on se raccroche :
on est rassuré lorsqu’on retrouve un archétype rassurant, ou a minima familier. Mais que retrouve-t-on en vrai ? une forme… une ombre de la caverne de Platon.

Le constat que nous sommes éduqués à tout miser sur la forme, explique pourquoi :
° tant de production audiovisuelle et si peu d’intérêt à préserver vraiment le biotope
° tant de difficulté à parler avec profondeur à autrui, au quotidien, car
les humains ainsi éduqués, nous sommes souvent perdus dans la forme avec légèreté (aucune envie de philosopher)
ou bien nous sommes pétris de connaissances formelles, et la philosophie, ou le cours de droit, à une saveur de masturbation mentale qui sert à tout sauf à aider ce monde.
° tant d’attrait pour l’industrie, y compris l’agriculture industrielle : production d’objets copie-conforme, fruits à la forme épurée, contrôlée…
°un tel échec des projets politiques, y compris désirant sincèrement améliorer le monde (mais basés sur l’image de ce que devrait être le monde parfait, et non pas basés sur la connaissance véritable du monde).
° autant de menaces de dictatures (qui placent chacun à une place, dans un tableau social imaginairement en ordre)
° de l’échec des rebellions (qui croient défendre la liberté, mais défendent l’image que l’on s’en fait)
° du pouvoir de l’argent (qui n’est que l’image du pouvoir).
° de la confusion entre souriant = bonne personne (alors que l’hypocrisie est une des normes de la société)

Il y a un vrai pouvoir dans les formes : rien que la couleur d une façade peut changer énormément de ressentis psychiques…
et d’un autre côté, l’excès de formalisme nuit à toute pensée profonde, et ce n’est pas parce qu’on emmène quelqu’un chez le coiffeur qu’il en ressort plus intelligent -malgré une tête plus convenable.

Qu’y a-t-il en transcendant le monde des formes ?
peut-être le découvrirai-je en méditant, en portant mon attention toujours plus subtilement. Ou pas. Le processus lui même d’observation, plutôt que de distraction sans fin, me plaît en lui-même et en cela, il me suffit : peu importe si je n’ai pas les réponses aux questions posées par mon mental rivé dans le passé. En observant différemment, les questions elles-mêmes peuvent changer, donc à quoi bon chercher à tout prix à répondre à celles correspondant à un antérieur niveau de voile d’illusions ?

La paix consiste peut-être en une harmonie fond-forme ?
Par exemple des lois et coutumes qui respecteraient la vie, les lois universelles… ?
Cependant, la disharmonie permet de se rendre compte que quelque chose est faux, ou inadapté (là où l’endormissement fait croire que tout va bien). La disharmonie, dystopie contemporaine, est peut-être non pas un fléau absolu mais une étape nécessaire : perdre la dorure des barreaux semble une étape pour se passer un jour de la cage.

Près de la pointe de Dinan, presque île de Crozon. Bretagne

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