m à j. juin 2024
J’ai joué des rôles ces quarante dernières années.
(Trop peu de souvenirs d’avant mes 8 ans pour en parler).
J’ai grandi en compétences au travers de mon rôle d’élève, de demandeur d’emploi, d’employé, de volontaire associatif, de fils, de frère, de petit ami, d’éducateur de prévention, de voisin…
Tant et si bien que j’arrive bientôt à la cinquantaine avec l’effrayant constat que je n’ai presque jamais vécu.
J’ai été tantôt égocentrique, tantôt égodécentré, mais dans les deux cas : sans que cela parte de ma propre impulsion vitale.
Je n’ai pas été moi notamment à cause de traumas non guéris -me plaçant (en réaction) en posture de fuite existentielle-, et à cause de mon obéissance aux injonctions éducatives. « fils du dois être comme ceci » ; « les élèves de la classe XXX vous devez vous comporter comme cela »… Cette obéissance provenant elle-même d’un affectif dépendant, lui-même entretenu par une éducation infantilisante et pauvre en clefs émancipatrices.
A l’issue de ce témoignage personnel, je souhaite passer en revue ce que sont ces injonctions enrôlantes et envisager ce que l’on peut en faire de plus adapté que de s’y soumettre à plein temps.
Nos vies enrôlées
Les membres d’une société agissent souvent conformément à un scénario tissé de convenances, que je nomme les rôles sociétaux :
Des ensemble de comportements, de règles explicites ou implicites, souvent préétablies collectivement (notamment les métiers), puis personnalisées par chacun (notamment l’état d’esprit qui préside à nos actes). Cf. la notion de persona en psychologie.
Comment pourrait-il en être autrement ? Nous verrons quelques approches de ce qui pourrait être sous les masques.
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Un rôle est soit :
° conscient, officiel, à but clair : c’est un métier, ou une fonction sociale connue.
° conscient, implicite, à but partiellement clair.
C’est par exemple les attitudes que nous choisissons d’incarner, généralement de pair avec un métier.
Par exemple, l’attitude d’avoir l’air sévère (pour un professeur, un policier…), ou l’attitude d’avoir l’air ami et prévenant (pour un vendeur, un candidat électoral…)
C’est ce que je nomme un masque sociétal (un masque, ou un costume taillé pour jouer le rôle sociétal).
° préconscient : lorsque l’on ne sait même plus que l’on joue une succession de mimiques ou attitudes codifiées, répétitives, apprises, impersonnelles… cf. la partie sur l’aliénation, la confusion d’avec nos rôles.
Un rôle est un cas particulier de récit.
Derrière notre civilisation du paraitre se cache un désir de codification, un mythe de cohésion sociale par la superficialité, une complaisance dans le jeu de paraitre et rôles divers.
La modélisation
Dans une certaine mesure, je peux comparer notre enrôlement à un logiciel qui s’exécute. Reste à savoir s’il s’exécute quand on le souhaite, où s’il ne s’arrête jamais (empêchant toute autre logiciel de s’exécuter, ou vidant toutes nos batteries à cause du fonctionnement en arrière tâche).
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Les rôles facilitent notre intégration : le statut d’élève, puis de nouvel employé.e, puis de professionnel.le expérimenté.e, puis de retraité, nous guide et nous permet d’obtenir de la reconnaissance pour notre interprétation du rôle.
Se nommer par son métier, ou par un autre rôle social, permet de se créer une interface pour entrer en relation. Par exemple, en tant que professeur on parle à des élèves, en tant qu’architecte on parle à des artisans et à des clients.
- Le fait d’exercer un métier codifié est-il aliénant, ou permet-il de se relier aux autres, en restant libre et créatif ?
- Laisse‑t‑on un employeur décider de l’occupation de nos journées ; peut‑on se laisser mener loin de nos aspirations profondes (pour de l’argent) ?
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Certaines personnes apprécient d’avoir un statut social codifié, de faire partie d’un jeu régulé. Pour d’autres, c’est une limitation, un sentiment de tiraillement (entre désir d’émancipation et de soumission), voire un sentiment d’inadaptation sociale.
Certains rôles s’adoptent et se revêtent sans y penser, avec plaisir −notamment lorsque c’est une personne aimée qui nous a éduqué,
ou inspiré. D’autres rôles résultent d’un long apprentissage −par exemple dans un contexte familial ou scolaire qui réprime nos comportements spontanés.
Les rôles sociétaux seraient comme un objet de désir qui tantôt aident les gens à se réaliser (dans un moule, certes, mais un moule qui contient des instructions sportives pour renforcer leur corps, des codes pour développer leurs liens affectifs, des croyances pour susciter une curiosité spirituelle), tantôt, ou en parallèle, cet objet de désir contient toutes les instructions pour s’aliéner : se détourner de notre nature.
Quelle nature, qui sommes-nous si nous ne sommes pas notre personnage ?
Dans la conférence gratuite sur Youtube « L’ AUTHENTICITÉ N’EXISTE PAS ! » de Kosmos, l’idée que j’aime est celle de ne pas chercher à être authentique, si cela amène à se stresser en vain (étant donné qu’on ne sait pas qui on est). Toutefois, je préfère ne pas conclure quant à l’existence de notre moi, car je n’ai pas fini d’explorer et ressentir ma vie, et je ne me reconnais pas dans son concept d’existence humaine limitée à un jeu théâtral.
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La modélisation hétérosexiste
Les rôles débordent largement du cadre professionnel. Un des enrôlements les plus ancrés est la matrice hétérosexiste.
De quoi s’agit-il ?
D’un concept imaginaire qui donne lieu
à des rôles stéréotypés.
Pourquoi imaginaire ? Parce qu’il ne coïncide que très très partiellement avec la réalité :
concept hétérosexiste imaginaire. Il affirme : | Ce qu’on peut observer (en dehors des mythes) : |
tous les humains se répartissent entre hommes et femmes, biologiquement parlant. | des bébés arrivent au monde avec des caractéristiques biologiques réunissant ce qu’on a l’habitude d’attribuer exclusivement aux hommes ou aux femmes. |
tous les hommes sont à peu près les mêmes, biologiquement parlant | tous les hommes ne sont pas identiques (différentes tailles et formes de pénis, de développement musculaire, de pilosité, de caractères et de personnalités…) |
tous les femmes sont à peu près les mêmes, biologiquement parlant | toutes les femmes ne sont pas identiques (différentes tailles et formes de vulves et de poitrines, de développement musculaire, de pilosité, de caractères et de personnalités…) |
ce que les hommes n’ont pas, les femmes l’ont, et inversement | naturellement, tous les êtres humains développent leur potentiel propre de sensibilité, force, aptitude à exprimer la colère, la tristesse, etc. Mais il est vrai qu’après le formatage d’une éducation sexiste, les hommes sont plutôt restreints à n’exprimer que force et colère, et les femmes restreintes à n’exprimer que sensibilité et tristesse. Ce n’est pas là leur nature, c’est le résultat de la culture hétérosexiste (qui tente ainsi d’accomplir une prophétie auto-réalisée). |
puisque l’homme et la femme sont complémentaires, ils forment donc le seul couple viable (hétérosexuel) | d’une part les couples basés sur la dépendance (il apporte ce que je n’ai pas, elle apporte ce que je n’ai pas) sont assujettis à la peur de perdre l’autre, à la peur de se retrouver seul, et cela atrophie largement le plaisir d’être soi-même complètement soi, et de partager un temps de vie avec une autre personne complètement réalisée elle aussi. D’autre part, les attirances naturelles ne sont pas toutes hétérosexuelles. Cf. la page LGBTI. |
L’enrôlement dans cette croyance provoque :
° un stress permanent de comparaison : « suis-je un homme assez viril et assez hétéro aux yeux du monde ? » et « suis-je une femme assez féminine et hétéro aux yeux du monde ? »
° un rejet d’autrui (des personnes hors de la norme hétérosexiste), des violences allant jusqu’au meurtre.
° une peur d’assumer ses propres désirs (exemple peur d’un homme que sa copine masse sa prostate, même si c’est agréable, de peur d’être pas assez conforme au modèle viriliste), allant jusqu’au suicide, en passant par le blocage de sa propre évolution.
L’identification au rôle
Notre compréhension de la société, des gestes autorisés ou interdits, nous est personnelle, même si nous nommons et utilisons des concepts commun à notre culture.
Au cours de l’enfance, on observe la place que les adultes de notre entourage occupent.
Si on conclue qu’il serait bon de masquer nos vrais sentiments (pour réussir à nous intégrer via un rôle social), nous posons un des premiers pas vers une société avec quelques décideurs (qui créent la norme) et beaucoup de suiveurs (qui font vivre la norme).
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Nous insérer en société ou nous perdre dans le paraître ?
S’insérer, c’est notamment s’adapter au mode de communication de notre interlocuteur :
en respectant les lois en vigueur,
si on joue de la musique : en utilisant des notes dites justes,
en exprimant pédagogiquement nos sentiments et idées,
en s’habillant selon des normes approuvées…
on maximise ainsi nos chances de satisfaction dans le monde relationnel conventionnel.
Lorsque l’on s’adapte au point d’en perdre la conscience de notre essence, c’est dans le monde des apparences et dans lui seul que nous nous insérons : un « nous » vide existentiellement, qui mime à la perfection un rôle pour des interlocuteurs dont la profondeur existentielle nous échappe a fortiori tout autant.
Les modèles (personnes réelles ou personnages) peuvent nous inspirer.
- Savons-nous néanmoins discerner les contours et les motivations de notre propre existence ?
Exemples de rôles −ou attributs d’un rôle− fréquemment (illusoirement ?) assimilés à notre identité :
° nos prénom et nom,
° notre compte bancaire, nos possessions (ou nos désirs de possession),
° nos interprétations du sens de la vie,
notre revendication d’appartenance culturelle et territoriale,
° quelques faits choisis dans notre passé
(lorsque nous avons gagné un tournoi, eu un accident, aimé ou haï passionnément quelqu’un.e, survécu à une maladie, réalisé une œuvre…).
° des mots concernant l’orientation sexuelle (hétéro‑, bi‑, pan‑, homo‑, a‑ ‑sexuel.le)
ou le genre (cis‑, trans‑, pan‑, a- ‑genre…).
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La société nous invite à nous aliéner (travail utile ou travail inutile, distractions stériles ou culture plus ou moins utile à l’épanouissement, convenances sociales, lois punissant les inconvenances…).
Dans le dessin animé « Le voyage de Chihiro » de Hayao Miyazaki, le contrat de travail fait oublier à l’héroïne son propre nom.
Comme elle, libérons-nous de ce maléfice.
L’enjeu existentiel
- Si nous nous identifions à notre personnage social, restons-nous vraiment attentifs.ves à la réalité de notre être ?
Une réponse négative pourrait en partie expliquer pourquoi parfois, nous nous sentons un.e inconnu.e pour nous-mêmes.
Il n’y a ensuite qu’un pas à faire pour avoir peur de perdre notre rôle social, comme s’il s’agissait de perdre la vie.
L’identification au rôle ressemble au phénomène d’addiction.
Les deux peuvent débuter par un manque de sérénité au sujet de la quête de ressenti du soi profond et au sujet du libre arbitre (sentiment d’être un étranger pour soi-même, et souvenirs de situations dans lesquelles nous n’avions aucun libre arbitre apparent).
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Si on s’identifie à notre rôle professionnel (élève modèle, diplômé, salarié chouchouté, retraite paisible…) la vie peut ressembler à un rêve aussi longtemps qu’on est dans une branche professionnelle bien jalonnée, stable, etc.
Mais lorsque survient une crise on se retrouve devant une double épreuve ; rebondir professionnellement et ressentir le vide existentiel que le rêve parfait masquait (mais ne remplissait pas…).
Se marier, faire l’amour en toute sécurité vis à vis des IST chaque soir, procréer pour faire plaisir aux parents à soi et à l’image que l’on se fait de Dieu, s’épauler, ne pas craindre le reste du monde…
peut ressembler à un rêve agréable aussi longtemps que tout se passe comme la société l’avait rêvé pour nous.
Mais si un autre scénario se met en place, ou même si on n’a jamais connu ce couple mais que l’on a appris que c’était la norme idéale vers laquelle tendre, que se passe-t-il ?
A l’heure où l’on croit légitimement avoir le droit de jouir : fait-on acte de boulimie, va-t-on à un Nième plan Q aromantique, se perd-on dans une série télévisée sans fin ? Ou apprend-on à reconsidérer l’existence, le sens du chemin, de l’humilité et des plaisirs qui arrivent à un moment juste ?
Lorsque nos enfants se retrouvent au chômage dans un monde pollué ; que l’on se rend compte qu’on n’a pas agi contre la pollution -tellement occupés à vivre notre rêve « parfait » : que fait-on ?
On culpabilise, on s’enfonce dans le déni de l’absurdité de nos rôles conventionnels obsolètes, ou on se réveille et on commence à regarder la réalité en face et à l’apprécier pour ce qu’elle est, et y agir avec sagesse ?
Le statut juridique et les privilèges : différents statuts existent (salarié, cadre, autoentrepreneur, étudiant, fonctionnaire de tel échelon), permettant une diversité d’implications, mais ils nous divisent (politiquement).
L’organisation dominante actuelle est une juxtaposition de rôles et de métiers souvent inefficaces à obtenir la paix, notamment car beaucoup sont conçus pour gagner, (économiquement notamment).
Pour cesser les violences planétaires, nous avons besoin de trouver une organisation, et une manière d’incarner nos rôles, qui s’appuie sur d’autres désirs.
Le conformisme
Tant que l’on se conçoit limité au matérialiste monde de la forme, la peur d’une non conformité sociétale nous incite à une comparaison permanente de nos gestes et de ce que nous imaginons être la seule façon, socialement acceptée, de jouer le rôle de notre existence.
Ensuite, le réflexe de comparaison dévie facilement en une tendance à tout contrôler.
Beaucoup d’individus inquiets contribuent ainsi à créer une société abusive, normative, qui surveille chaque faits et gestes.
Se conformer est une technique d’évitement des conflits… Mais on peut aussi apprendre à traverser et à résoudre pacifiquement les conflits (ils sont inhérents à la vie en société).
Le conformisme nourrit la société marchande : à force de tout comparer, de se croire moins bien loti que le voisin, on participe au gigantesque marché du superflu.
Pour sortir du capitalisme marchand, il nous faut dépasser les angoisses existentielles sur lesquelles il s’appuie.
Ces angoisses sont notamment issues de la croyance que nous ne serions que notre forme (et qu’elle ne vaudrait rien sans apparats dorés).
Faire société est un enjeu de l’humanité ; l’enjeu n’est pas de s’enrôler ou pas, mais de ne pas se perdre en revêtant un costume taillé pour X, ni de commettre des horreurs sous le prétexte : « je ne fais que mon travail » ou « il y a longtemps que les gens font comme cela ».
Même si c’est notre métier qui nous amène à conduire sans arrêt, à utiliser des tonnes d’emballages, à fabriquer des plantes non fertiles, à refuser un accès aux droits sociaux, à exproprier d’un unique domicile, à punir au lieu d’éduquer, à injecter des produits controversés, à frapper (voire tuer), à épier…,
rappelons-nous que c’est nous qui agissons (même sous le prétexte d’un métier). On peut le dénier, mais le déni n’est pas éternel.
- Pourquoi le projet, ou le but à atteindre (donc une vue de l’esprit), est-il parfois ressenti comme plus important que le besoin présent −cheminer à notre rythme, savourer notre respiration, ressentir et apprendre ?
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Si nous n’avançons plus en écoutant notre enthousiasme et notre cœur, alors l’injonction « il faut » occupe notre esprit. Et rester continuellement soumis.e à des injonctions est probablement une ruse inconsciente pour s’empêcher de se demander sérieusement :
- « Qu’est‑ce que je veux (et ressens) vraiment dans ma vie ? »
- Programmer la vie, ou la voir au travers d’écrans (réseaux sociaux, films, démarches en ligne…), ou être à l’école pour apprendre ce que sera notre vie de demain, est-ce cela vivre à 100 % ?
- Qu’y a‑t-il sous nos rôles et masques ; soi-même, l’étincelle de vie, le souffle, la vérité, l’amour, la fluidité, le vide, notre relation à tout cela… ?
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La libération
Qui a dit qu’il faudrait refuser tout rôle et tout engagement ?
La quête du vrai soi par chacun.e pourrait prendre des formes et des durées dont je n’ai même pas l’imagination.
J’ai simplement voulu attirer l’attention sur certaines croyances limitantes répandues.
Probablement avons-nous besoin de démarches d’ancrage, lesquelles nous ramènent à nous-mêmes.
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La fin d’un rôle, comme toute désillusion, est un risque de se croire dépossédé de tout (dans notre culture matérialiste basée sur l’avoir et sur le manque), mais est aussi une opportunité de se réveiller à une approche plus subtile de notre existence.
Si on s’identifiait à une histoire de vie décevante, rappelons-nous que nous ne sommes pas cette histoire (mais elle avait capté notre notre attention).
De même, si on s’identifiait à une histoire de vie palpitante, nous ne sommes pas cette histoire.
La prise de la retraite, voire simplement la fin d’une série télévisée, n’est pas la fin de notre chemin d’âme.
Des fois, on part loin (en vacances, ou pour un travail), par peur d’être en présence avec nous-mêmes. Mais on peut prendre cinq minutes pour savourer calmement notre souffle, nous promener dans un proche jardin arboré, exister…
- Comment amener une personne identifiée à son masque professionnel, à se reconvertir dans un emploi non polluant ; en créant un rôle de « bonne personne en transition écologique » ?
C’est ce que le marketing utilise pour vendre des produits et services (prétendument) éthiques.
Toute solution à base de faux semblants aura son lot de désillusions.
Toute marionnette risque de croiser un marionnettiste.
Mais c’est là peut‑être une étape provisoirement aidante.
Le monde se résume-t-il à sa forme ?
Les rôles s’inscrivent dans le catalogue des formes qui nous rassurent et régissent une partie de nos comportements.
Ce catalogue comprend tous les archétypes qui nous font penser à la continuité de notre existence, à un narratif stable à propos de nos vies.
Que ce soient les films, les enseignements familiaux, les pornos, le savoir prétendument universellement vrai officiel ou dissident, le mariage, les idées reçues à propos du mariage, des lois, des dirigeants, des métiers, de la mode vestimentaire (ou des codes vestimentaires de notre « tribu »)…
tout cela a en commun d’être une forme (par opposition à une vérité ultime). Cette forme, ou ces scenarii, nous offrent une carte mentale de la vie à laquelle on se raccroche :
on est rassuré lorsqu’on retrouve un archétype rassurant, ou a minima familier. Mais que retrouve-t-on en vrai ? une forme… une ombre de la caverne de Platon.
Le constat que nous sommes éduqués à tout miser sur la forme, explique pourquoi :
° tant de production audiovisuelle et si peu d’intérêt à préserver vraiment le biotope
° tant de difficulté à parler avec profondeur à autrui, au quotidien, car
les humains ainsi éduqués, nous sommes souvent perdus dans la forme avec légèreté (aucune envie de philosopher)
ou bien nous sommes pétris de connaissances formelles, et la philosophie, ou le cours de droit, à une saveur de masturbation mentale qui sert à tout sauf à aider ce monde.
° tant d’attrait pour l’industrie, y compris l’agriculture industrielle : production d’objets copie-conforme, fruits à la forme épurée, contrôlée…
°un tel échec des projets politiques, y compris désirant sincèrement améliorer le monde (mais basés sur l’image de ce que devrait être le monde parfait, et non pas basés sur la connaissance véritable du monde).
° autant de menaces de dictatures (qui placent chacun à une place, dans un tableau social imaginairement en ordre)
° de l’échec des rebellions (qui croient défendre la liberté, mais défendent l’image que l’on s’en fait)
° du pouvoir de l’argent (qui n’est que l’image du pouvoir).
° de la confusion entre souriant = bonne personne (alors que l’hypocrisie est une des normes de la société)
Il y a un vrai pouvoir dans les formes : rien que la couleur d une façade peut changer énormément de ressentis psychiques…
et d’un autre côté, l’excès de formalisme nuit à toute pensée profonde, et ce n’est pas parce qu’on emmène quelqu’un chez le coiffeur qu’il en ressort plus intelligent -malgré une tête plus convenable.
Qu’y a-t-il en transcendant le monde des formes ?
peut-être le découvrirai-je en méditant, en portant mon attention toujours plus subtilement. Ou pas. Le processus lui même d’observation, plutôt que de distraction sans fin, me plaît en lui-même et en cela, il me suffit : peu importe si je n’ai pas les réponses aux questions posées par mon mental rivé dans le passé. En observant différemment, les questions elles-mêmes peuvent changer, donc à quoi bon chercher à tout prix à répondre à celles correspondant à un antérieur niveau de voile d’illusions ?
La paix consiste peut-être en une harmonie fond-forme ?
Par exemple des lois et coutumes qui respecteraient la vie, les lois universelles… ?
Cependant, la disharmonie permet de se rendre compte que quelque chose est faux, ou inadapté (là où l’endormissement fait croire que tout va bien). La disharmonie, dystopie contemporaine, est peut-être non pas un fléau absolu mais une étape nécessaire : perdre la dorure des barreaux semble une étape pour se passer un jour de la cage.
Près de la pointe de Dinan, presque île de Crozon. Bretagne
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