essai en cours de rédaction
Le « récit »
Précédemment, les chapitres sur les rôles présentaient ces postures toutes faites que l’on adopte, parfois en s’oubliant.
Les chapitres sur les médias, l’Histoire et les croyances, montraient comment la manipulation est la norme.
Les chapitres autour du système sociétal montraient comment un grand nombre d’institution et d’obstacles prennent leur source dans des illusions qu’il est vain de combattre sans comprendre qui projette les ombres (cf. le chapitre sur le miroir).
Le présent chapitre continue le constat du côté illusoire de nombreuses certitudes, mais en recourant le moins possible à la figure de l’Autre -laquelle risque d’accaparer en vain notre attention (« le système », la droite vs la gauche, les médias, les promoteurs de dogmes, l’État, etc).
La focalisation est dirigée sur la quête de vérité (et non pas sur une vérité figée, ni sur un obstacle circonstanciel à cette quête).
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Un roman, une série, une #fable… sont des récits qui assument d’être ce qu’ils sont. Mais les récits qui se font passer pour « ce qui va de soi » ou « la réalité » sont nombreux.
Ce que je nomme l’intuition (sans aucune garantie d’un usage parfait de ce concept) est ce qui m’a induit un ressenti. Ce dernier s’est ensuite formulé avec le mot « récit ».
Pour cette formulation, je me suis servi de mon mental -notamment du langage, des opérateurs logiques et des souvenirs divers qu’il a en stock-.
Je ne suis donc pas hors du récit lorsque je rédige cette page.
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NB je ne rejette pas le récit. Je sui addict aux récits (à ce jour). Je me sens mieux avec un récit dans lequel je développe des aptitudes, plutôt qu’un récit déprimant dans lequel je ne considère que ce que je n’ai pas réussi.
Mais je ne n’écarte pas l’hypothèse que vivre uniquement de récits, comme je l’ai fait jusqu’ici, ne soit pas nécessairement ma plus merveilleuse option de vie.
Quelques aspects du récit
Le mental croit que le connu va se reproduire, il stocke donc un récit du connu (alias des souvenirs réarrangés).
Écouter le mental revient à croire en notre récit de vie.
Mais ne pas l’écouter, si c’est pour croire que refaire exactement la même chose donnera un résultat différent, est aussi une manière de se prêter à son jeu (la partie orgueilleuse de notre stock de souvenirs : celle qui pense être spontanément transcendantale).
L’Éducation Nationale est gardienne et promotrice d’un récit ; et l’éducation en famille aussi.
Être en retard, faire confiance (ou se méfier) des personnes avec un grand patrimoine, c’est la conséquence d’une croyance en un récit.
Le temps semble être une composante du #récit.
Enfanter est une réalité de ce monde ; nourrir, protéger, être attentif à un enfant sont des actes ; mais se dire maman, papa, cousine frère… sont des récits.
Ressentir une émotion, un sentiment, est une sensation réelle à moment donné. Se dire ami, ou amant, ou mari ou femme, est un récit.
Un ami.e qui nous trahit, est-il en train de faire autre chose que de changer le récit auquel nous croyions ?
Que c’est agréable de partager un récit ! C’est souvent ressenti comme un bonheur d’être compris et accepté en présence d’un.e ami.e.
Mais s’agit-il vraiment de l’acceptation de qui nous sommes, ou d’une participation à un même récit ?
Avoir un pénis, une vulve, ou autre, est un constat dans le registre de ce qui est observable et palpable. Ensuite, se genrer avec il, elle ou iel, est un récit.
Se croire légitime est un récit.
Se croire légitime à haïr les gens différents de nous n’est qu’un cas particulier de ce genre de récit.
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Ce que je pense est un récit, ce que j’exprime à partir de ma pensée est un récit à partir d’un premier récit ; et ce que vous comprenez d’un auteur, ou d’un interlocuteur, est encore un nouveau récit
L’orgueil est un gardien du récit personnel.
Les lois, l’État, les organisations confessionnelles, sont les gardiens d’un récit plus vaste.
Les vastes récits peuvent organiser une société dans laquelle chacun.e peut trouver un rôle interactif qui respecte son propre récit, le récit d’autrui, et le récit collectif.
Mais (cf. le chapitre sur les utopies), quel humain est vraiment capable de créer un récit durable et satisfaisant pour tous ?
Le libéralisme économique était supposé être le récit par excellence qui respecte le récit de chacun (chacun pouvant faire ce qu’il lui plait, tant qu’il en a les moyens -moyens qui étaient supposés être acquis légitimement grâce au Dieu « libre marché » aidé de son récit publicitaire).
L’observation de la réalité montre une opposition entre le récit (le mythe, le rêve américain) et la la réalité :
une stabilité partielle et éphémère qui repose sur une iniquité profonde et des ravages du biotope.
NB. j’ai conscience de critiquer la branche sur laquelle je suis assis : je jouis du rôle de celui qui peut acheter l’appareil photo et la voiture bourrés d’électronique. Mais quel autre humain a fabriqué ces composants, et dans quelle législation du travail ou quelle absence de bientraitance au travail, et dans quelle absence de respect environnemental ?
Si je veux être cohérent avec mon récit de justice et de respect du biotope, je dois plus sévèrement boycotter de nombreux produits de mon quotidien.
Existe-t-il un devoir moral ? Cf. ci après.
Cette précédente réflexion m’amène à préciser que les injonctions, les ordres donnés à autrui ou à soi-même, le sont vis à vis d’un récit que l’on considère réel et impératif en lui-même.
Sans sacralisation d’un récit : aucune motivation à (se) donner des ordres.
Ce constat est repris par les tyrans aimant faire croire que « sans ordres (ceux du tyran seulement), point d’ordre ».
Cependant, les tyrans s’appuient généralement sur un récit religieux, sous-entendant qu’un ordre divin existe, et qu’ils n’en sont que le serviteur.
Une fable.
Un récit opposé à la tyrannie, au fascisme, est la croyance de nombreux philosophes en la raison : celle-ci est supposée structurer nos actes et rendre chaque être autonome, une fois doté d’une méthodologie cognitive lui évitant le chaos personnel.
Un autre récit d’opposition est le new-âge -et l’idée que nous sommes tous Dieu en devenir (je commente plus subtilement le New-âge au chapitre « Intuition, agape, conscience« ).
Le plus récent récit s’opposant à un leadership humain est celui de l’intelligence artificielle reine -dans le déni que l’action entreprise à l’aide d’un outil repose en grande partie dans les mains de qui manie l’outil.
Très souvent, le discours d’opposition à un tyran est un autre discours tyrannique ; un discours explicite ou larvé.
Exemples de discours explicite : un empereur qui veut détrôner une noblesse, un État totalitaire juridictionnel qui veut détrôner un empereur.
Un tribunal international qui veut débouter une Justice étatique.
Exemples de discours à la tyrannie larvée :
° la télévision, supposée apporter facilement la culture partout, mais qui permet à quelques acteurs privilégiés de contrôler le récit subjectif servi au plus grand nombre.
° les militants qui -au nom d’un idéal apparemment sain- versent dans la censure de ce qui leur déplait.
Ceci étant dit, je viens de m’autocensurer, de ne pas citer d’exemples précis de militants de la censure, car je constate que leurs idéaux m’affectent. J’ai encore des contradictions internes à explorer : pourquoi ai-je si peur de leur récit normatif, tandis que je prétends me rendre compte du côté #illusoire de tout récit ?
A propos de censure, cf. la réflexion de Coluche : « la dictature c’est ferme ta gueule ; et la démocratie c’est cause toujours ».
Les récits collectifs qui tentent de s’imposer appellent généralement à haïr les personnes perçues comme des ennemies de l’organisation sociale -laquelle est décrite comme permettant à des millions de personnes de vivre. Sous-entendu que toute déstabilisation du récit fédérateur pourrait engendrer un fin de la coopération des masses au système, ce qui engendrerait ensuite le chaos.
L’épouvantail transversal à tous les régimes autoritaires est le chaos, et les ennemis du régime sont de deux sortes :
les adeptes d’un autre régime autoritaire -susceptibles de hisser au pouvoir leur chef à la place du dirigeant déjà en place.
Et toute personne susceptible de casser le récit fédérateur, au profit d’un apprentissage à la responsabilité individuelle.
La réalité est loin d’être aussi simple, parce que d’une part les régimes organisés (capitalisme, stalinisme, royaume, empire fasciste…) génèrent eux aussi du chaos et des meurtres par millions, et d’autre part, tant qu’on confond récit et réalité, on n’est pas encore aptes à l’autonomie tant rêvée.
En réalité, on n’a aucune certitude de ce qui se passerait si on interrompait les récits supposés organiser au mieux le réel. On a le récit des films américains post effondrement, les théories survivalistes, et j’ai le souvenir relaté ci après.
Oui aux récits
Au cours d’une université d’été (que je préfère ne pas citer explicitement), un putsch a éjecté une direction que j’adorais (car derrière sa fermeté organisationnelle, elle permettait la pluralité des opinions et des participant.e.s au sein des ateliers).
S’en est suivi non pas plus de démocratie, ni de pluralisme, ni de liberté pour tous, mais une ambiance délétère, un tremplin pour des guerres de sous-chefs, ainsi que des procès populistes autour de chaque événement indélicat (notamment un homme qui avait giflé une femme). La gifle a choqué, conduit à des propos sexistes haineux. Mais ultérieurement à divers simulacres de procès de Justice, et véritables assemblées vindicatives, on a appris que cet homme et cette femme avaient un long historique de se gifler, tantôt l’un, tantôt l’autre. Tous ces procès populistes avaient été le symptôme d’un chaos émotionnel et intellectuel, et avaient été amplifiés par des prétendant.e.s leaders jouant sur la libération des instincts agressifs latents.
En résumé de ce souvenir : il y avait une organisation non démocratique permettant à quelques leaders éclectiques de structurer l’événement culturel, et permettant à toute personne, de n’importe quelle opinion, de coexister ; et la révolution a généré des violences et des régressions multiples. Etait-ce là une étape vers un mieux ultérieur ? Pas de mon point de vue : cette université d’été est devenue le fief des vainqueurs d’une idéologie. Elle n’a pas atteint plus de lucidité, elle a changé un récit pour un autre, un chef autoritaire pour une dictature d’une certaine partie du peuple.
Etait-ce une expérience nocive ? Finalement non, c’était une expérience très instructive. Merci.
Ce dernier exemple vient appuyer ceci :
je ne suis pas du tout en train d’appeler à interrompre les récits fédérateurs du « vivre organisés en société ».
Cependant, je n’exclue pas que lorsque la maturité individuelle le permet, on ait intérêt à délaisser divers mensonges supposés nous aider à coexister.
Par conséquent, je suis intéressé par les régimes qui n’obligent pas à s’aligner avec l’état d’esprit du plus ignorant des chefs, ni du plus avide des riches.
Et puisque l’émancipation cognitive et spirituelle ne se décrète pas (c’est un processus), je suis en faveur, pour ce qui me concerne, de continuer à arpenter le chemin, notamment de continuer à apprendre à observer la vie sans formuler de récit-jugement rigide à propos de ce que je rencontre.
A-t-on seulement la possibilité de regarder la réalité sans recourir à un récit ?
Les récits à propos de Jésus ou de Bouddha semblent dire que quelques rares êtres y sont parvenu.
Le récit biblique nous dit qu’au commencement il y avait le verbe (à ne pas traduire hâtivement par le mot « mot ». Le verbe se réfère à un concept qui échappe à notre simple entendement, et se rapproche lointainement de ce que nous concevons comme un mot, une parole, un son).
L’expérience de nombreux mouvements militants qui n’ont vu qu’un aspect d’un problème, donc ont créé du désordre en même temps qu’ils réparaient quelque chose, attire notre attention sur les écueils de quitter un récit sans savoir discerner la nature du récit elle-même.
La question que je pose n’est pas « Existe-t-il une vie satisfaisante sans récit ? » Car cette question, en elle-même, suppose que le récit est un problème potentiel, et cette supposition est en elle-même un récit affirmatif à peine déguisé en question.
Le questionnement philosophique semble une vertu au sein d’un récit -pour élever ce dernier. Mais il est probable que le discours tourne nécessairement en boucle sur lui-même, de par sa nature mentale.
Un empilement de récits mensongers et/ou imaginaires ne semblent pas conduire à la vérité.
Comment être sur de ne manier que de vrais concepts et des observations irréfutables ? Je ne vois pas comment. Donc je ne prends pas mes conclusions, ni celles d’autrui, pour des vérités absolues.
Ce n’est pas une question mais un ressenti qui m’anime. Un ressenti agréable lorsque se distinguent les contours des #illusions qui m’animaient précédemment, laissant une place à une observation moins teintée de récit.
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L’idée ici n’est pas de rejeter un récit nocif (telle idéologie, tel régime), mais de s’extraire de la confusion entre soi et un récit à propos de soi ; entre l’hypothétique réalité et l’illusion criarde.
Notamment parce qu’une quête de liberté qui se limiterait à échapper à un dictateur, mais qui ne voudrait pas apprendre à considérer le côté illusoire de récit en lui-même, serait probablement vouée à retomber dans les filets d’un autre tyran (le tyran conséquence de notre propre désir d’être manipulés).
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Les rêves nous font entrer dans une autre forme de récit.
La méditation semble être l’outil pour sortir du récit.
Les violences et meurtres proviennent-ils…
° d’un récit culturel prosélyte et invasif (comme l’Histoire et les actualités semblent le montrer),
° d’un manque de récit modéré (comme l’État et les religions modérées le prétendent en montrant du doigt tout extrémiste, voire simplement toute personne radicale)
° de facteurs économiques et politiques (comme les journalistes d’investigations le révèlent),
° ou de raisons moins connues (que la psychologie effleure et catalogue hâtivement) ?
L’être humain est-il l’ancêtre du système d’exploitation d’un ordinateur moderne, et les récits sont-ils les ancêtres des logiciels de jeux vidéos ?
Certains récits affirment que nous arrivons sur Terre avec une suite logicielle invisible (un karma) ; d’autres affirment que notre logitèque opérationnelle est palpable (notre ADN)…
Mais qui est notre ancêtre ? Le concept de filiation est-il lui-même teinté de récit ?
Dénoncer un mensonge (par exemple une fausse expertise ou une corruption d’une institution ou d’une entreprise privée) demande un certain courage.
Ce courage s’arrête souvent (dans un premier temps parfois très long) au déni préconscient des propres mensonges nous habitant (cf. la page « le miroir »).
Nommer le récit n’est pas une dénonciation d’un mensonge, c’est la mise en lumière d’un fondement de vie basée sur une notion assez proche du mensonge.
Comprendre la nature du récit peut soulager de nombreuses souffrances issues de l’attachement au récit (puis du récit de ratage qui en découle dès lors que la réalité ne conforte pas notre récit intériorisé).
co création d’un récit ?
Suggestion pour les commentaires :
Si vous commentez un passage précis, le citer entre guillemets permettra d’ancrer votre idée sur une référence claire, parce que le texte est susceptible d’évoluer, entrainant la disparition du passage qui vous anime lors d’une mise à jour du texte. Merci de vos contributions aidantes.
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